La révolte des paysans français

Les derniers évènements récents, le chaos du démarrage du salon de l’agriculture prouvent que le monde de l’agriculture et de l’élevage en France est en révolte.
Ni le gouvernement, ni le président de la République n’ont actés de solutions pour remédier à la grande déconfiture d’une partie des paysans.
Des paysans continuent à se suicider, écrasés par les dettes et le désespoir. Les jeunes hésitent à reprendre l’affaire de famille ou à créer de nouvelles exploitations. L’âge moyen des paysans est élevé, nombre d’entre eux vont partir à la retraite sous peu.
Les moins nombreux mais les plus riches profitent du système et ne veulent pas changer leurs méthodes de culture intensive destructrices de la biodiversité. Les coopératives agricoles fixent un prix d’achat des produits agricoles bien trop bas pour que les paysans puissent vivre décemment. Les centrales d’achat des grandes surfaces trop puissantes, internationalisées font de même afin de pouvoir vendre au consommateur des produits de piètre qualité à bas prix.
Rien ne va plus ! Est-il possible de sortir de ce cercle vicieux ?

Imaginons que le gouvernement parvienne à fixer un prix plancher qui garantisse au moins la survie des paysans.
Par exemple, les milles litres de lait vendus à 500€. Dans ce cas, les grosses coopératives internationales type Lactalys vont refuser d’acheter ce lait. Les éleveurs de vaches vont donc se retrouver mal. Et ce lait sera perdu pour l’humanité.
Néanmoins, si la demande de lait est importante, Lactalys serait obligé d’acheter un minimum de lait à ce prix.
Autre possibilité à creuser, que les paysans essaient de vendre leurs produits en circuit court dans le cadre des Amap par exemple ; ou encore qu’ils contractent avec des coopératives plus localisées respectueuses de leurs intérêts.
Mais il faut alors que ces coopératives parviennent à écouler un lait plus cher que le prix de marché.
Autant dire qu’il est fort peu probable que les centrales d’achats achètent ce lait !

Cet exemple montre qu’il faut agir sur le prix plancher des produits agricoles afin de garantir une vie décente pour les paysans, mais aussi qu’il faut agir sur la commercialisation de ces produits et de leur transformation pour que les consommateurs acceptent le surcoût correspondant.
Pour obtenir cette adhésion des consommateurs, il faut obtenir leur confiance dans tout le système.
C’est ce qui est obtenu localement par les Amap où les consommateurs sont aussi des acteurs qui s’engagent à consommer régulièrement un minimum des produits proposés par les paysans sur la base d’un prix concerté d’avance.
L’organisation en grandes agglomérations ne semble pas permettre de généraliser les Amap. Il faut donc trouver un système élargissant la commercialisation tout en garantissant toujours les revenus des paysans producteurs de base.
Les coopératives tels Biocoop, La ruche qui dit oui, … peuvent être une piste sous réserve qu’elles ne retombent pas dans la position de monopole et ‘oublient’ de bien rémunérer d’abord les paysans.

Mais la production agricole de notre pays n’est pas forcément dédiée aux seuls citoyens français ; s’il y a des excédents, il est normal que ceux-ci soient revendus à d’autres terriens. Cependant, puisque notre pays est un grand producteur agricole, ne faudrait-il pas planifier la production afin que celle-ci soit adaptée en priorité aux besoins de nos consommateurs ?

Cette planification pourrait améliorer la confiance des consommateurs français et permettre une hausse raisonnable des prix. Elle permettrait aussi d’éviter des importations de produits à bas prix que nous sommes capables de produire sur notre sol.
A l’inverse, les grands producteurs de céréales qui vendent toute leur production sur le marché mondial spéculatif doivent être pénalisés, combattus puisqu’ils détruisent cette confiance.

Pour améliorer la confiance nécessaire des consommateurs en leurs paysans et au système de redistribution alimentaire, ne pourrait-on mettre en place le principe de la marge décroissante ?
La marge plafond la plus forte est accordée au paysan. Le produit acheté par un premier intermédiaire ne peut être revendu après conditionnement ou transformation qu’avec une marge inférieure d’au moins 1 % à la marge de son fournisseur. Et ainsi de suite.
Exemple : supposons que les 1000 litres de lait soient vendus par le paysan 500€ et que sa marge bénéficiaire nette soit de 50€. Sa marge est donc de 10 %.
La coopérative conditionne ce lait en bouteilles d’un litre sans autre traitement, en bouteilles de lait écrémé, en yaourts, en beurre, etc …
Le litre de lait revendu lui a coûté 0,5€ ; les frais de conditionnement et de commercialisation sont estimés à 0,5€ par litre. Le prix de revient de ce litre de lait est donc de 1€ ; la marge réalisable est au maximum de 10-1=9 %; le prix de vente ne peut excéder 1,09€
Ce lait est revendu par la coopérative à une fromagerie à ce prix ; celle-ci le transforme en fromage ; ses coûts de conditionnement et commercialisation sont estimés à l’équivalent litre de 3€ ; le prix de revient du fromage correspondant est donc de 4,09€ ; la marge réalisable est au maximum de 9-1=8 %; ce fromage pourra être revendu au maximum à 4,41€
Pour que ce système de marges décroissantes fonctionne, il faut que l’évaluation des frais de transformation soient évalués et contrôlés, car toute triche à ce niveau revient à ne pas respecter le principe des marges décroissantes.
Néanmoins, la comparaison entre plusieurs transformateurs ou intermédiaires doit permettre d’établir des ratios facilitant ce contrôle. Mieux encore, en fonction des types de transformation, on pourrait établir des frais parfaitement connus et reconnus par la profession.

Pour éviter à la fois du camionnage important et de la concurrence inutile, voire déloyale, une coopérative ne peut acheter son lait qu’auprès des éleveurs locaux, par exemple dans un rayon de 50kms. Un éleveur peut changer de coopérative chaque année.
Une coopérative peut revendre son lait à une structure plus grosse ; néanmoins, puisqu’aucune transformation n’a été faite, ce lait est revendu sans bénéfice !
En fait, l’idée est de préférer de multiples petites coopératives au lieu d’une grosse pour :
- une plus grande variété des transformations,
- une distribution de préférence locale,
- plus d’emplois créés.

Dans le même ordre d’idées, les très grosses exploitations agricoles devraient être divisées en plusieurs fermes à taille humaine ; ceci devrait permettre plus facilement :
- une re-bocagisation des champs,
- une plus grande variété des cultures,
- plus d’emplois créés,
- une renaissance de villages quasi abandonnés,
- une multi-fonctionnalité des territoires et un repeuplement des campagnes.

Je n'ai pas soulevé ici le problème des semences et des intrants qu'il faut acheter. Ce sera pour une autre fois.
Certes, je ne suis ni paysan, ni transformateur agricole, ni actionnaire ; je suis un simple consommateur. Je peux donc exprimer ici des idées peu réalistes, trop idéalistes … J’espère néanmoins que ces idées ne sont pas totalement farfelues et pourront en suggérer d’autres et surtout aboutir à une réforme positive et bénéfique tant aux paysans qu’aux consommateurs.

Edité le:24/02/2024