Une (autre) réforme de l'enseignement

Monsieur Macé-Scaron: Je réagis à votre édito dans Marianne, sur la crise de l'école.

Vous avez raison quand vous dites que depuis trop longtemps on a fait des réformettes sans grand intérêt tant dans l'enseignement primaire que secondaire ou universitaire. Vous avez raison quand vous dénoncez la tentative du pouvoir, par le biais de son ministre, Xavier Darcos de vouloir ultra libéraliser l'école.
Mais cette critique juste, à mon sens, n'est pas constructive. Je me propose donc de vous soumettre mes reflexions sur une réforme possible et profonde de tout notre système d'enseignement et formation continue.

Je pars du constat suivant:
1) Il existe une formation de base enseignée à l'école, un tronc commun puis un système d'aiguillages et d'options qui commence avant le bac.
Parallèlement, tout salarié a droit à des heures de formation continue. La différence de philosophie entre ces deux enseignement est telle qu'on peut parler de rupture (de pièces rapportées, de rustines sur rustines devrais-je dire).
--> idée: unifier enseignement classique et formation, créer une réelle continuité; permettre à chaque élève d'évoluer à sa bonne vitesse.

2) L'élève reçoit un enseignement de façon passive durant le tronc commun; la personne adulte doit parfois dispenser un enseignement et y est souvent mal préparée.
--> idée: préparer beaucoup plus tôt l'élève à sa vie d'adulte en l'impliquant dans le processus d'enseignement aux autres.

3) Horaires, vacances, gestion du temps
--> idée: unifier, diminuer fortement les différences entre le monde de l'enseignement et le monde professionnel, sans pour autant copier les déviances du monde professionnel

4) Coût pour la collectivité, charge que représente l'enseignement
--> idée: diminuer ce coût ne signifie pas forcément diminuer la qualité de l'enseignement si l'on met en bonne pratique, les idées précédentes.

Propositions sur la base de ce constat:
1) Unifier enseignement classique et formation continue.
Ceci implique de faire un tronc commun quasiment sans options et relativement court: limité à 14 ans de préférence, à 16 ans éventuellement.
Ce tronc commun court (TCC) a pour but de donner les 'bases' en Français, Maths, Histoire/Géo, Sciences, Sport, Education civique, Après ce tronc commun, commence la formation étendue (FE). Tout élève dispose d'un quota de formation qui s'amenuise avec le temps jusqu'à égaler le quota actuel dispo en formation continue d'entreprise. Par exemple la 1ère année après le TCC, l'éléve suit une formation à 90% du temps, les 10% restant étant du stage ou de l'apprentissage en entreprise. La 2ème année, en passe à 85%, 15%, la 3ème année 80, 20, etc ...
Pendant la formation étendue, l'éléve peut choisir toute option de son choix, avec plus ou moins de bonheur, qu'importe, ses errements éventuels lui permettent de trouver le domaine qui lui convient vraiment, lui donne une meilleure ouverture sur le monde. Les abus sont sanctionnés par le fait que chaque année qui passe, le quota de formation se réduit. La forme des options est telle qu'elle peut s'adapter à un étalement sur une plus ou moins grande durée.
De même la forme des stages en entreprise est prévue pour s'adapter à un calendrier modulaire sans mettre en péril le fonctionnement de l'entreprise.

2) Préparer beaucoup plus tôt l'élève à sa vie d'adulte.
Ceci sera obtenu dès la fin du TCC, pendant la FE selon le principe de 1 enseignement reçu et bien compris = 1 enseignement à diffuser à ses semblables. Si la TCC s'allonge jusqu'à 16 ans ou plus, il serait judicieux de mettre en oeuvre ce principe dès 14 ans.
Explication: Un éléve reçoit un module de cours, il est contrôlé à l'issue de ce module. S'il ce contrôle est positif, l'élève est apte à diffuser ce module, soit à ses camarades qui n'ont pas encore bien compris, soit à ses camarades d'un autre groupe du même module. Ainsi chacun reçoit un enseignement et le rediffuse à son tour. Le professeur sert à initialiser le processus ou à combler les manques d'éléves formateurs; le professeur joue également le rôle de contrôle et surtout le rôle de directeur des études des élèves.
Ceci implique des modules relativement courts, bien délimités en matière et en temps. On voit que ce principe permet le redoublement, triplement, ... et d'une certaine façon l'avancée de chaque élève à son rythme et sans l'impression d'être le laissé pour compte. Ce principe donne aussi aux élèves formateurs une belle expérience et assurance qui leur sera utile dans leur vie d'adulte.

3) Diminuer fortement les différences entre le monde de l'enseignement et le monde de l'entreprise
Le principe 2) vu ci-dessus plonge un peu mieux les élèves étudiants/formateurs dans le monde réel; ils ne sont plus statiques, recevant la formation ex cathédra, ils sont aussi donneurs de formation. En ce sens l'échange enseignant-enseigné devient réciproque: les élèves deviennent des acteurs dynamiques de leur formation.
Les modules courts sont plus facilement adaptables au monde réel très changeant; ces modules peuvent entre autres être en adéquation avec les demandes des entreprises à un moment donné. A l'inverse, rien n'interdit un élève de personnaliser son module.

3bis) Horaires, emploi du temps, vacances
Le principe 2) basé sur des modules assez courts et très nombreux implique un emploi du temps complexe, très malléable et un respect de cet emploi du temps très strict pour éviter l'absentéisme. Les moyens informatiques modernes permettent d'envisager cela sereinement. Fini l'emploi du temps papier avec de belles couleurs valable pour toute l'année; bonjour l'agenda électronique quasi obligatoire.
Afin d'obtenir de la souplesse, il semble exclu de garder les vacances fixes trimestrielles et/ou annuelles. A l'inverse, après chaque module, un petit congé de quelques jours pourrait être instauré. L'abandon des grandes vacances figées n'implique pas pour autant l'impossibilité de prendre des congés de 2 ou semaines d'affilée; en effet vu la répétition des modules dans l'année, il est possible de trouver le bon module intéressant à plusieurs dates de l'année. La période annuelle est préservée car elle est communément admise tant par les particuliers que par les entreprises.
Le schéma contenant des horaires de cours est le suivant: 1 journée de formé/formateur = 9 heures (dans laquelle i y a beaucoup d'exercices ou travaux pratiques !). 1 semaine = 4 jours soit 36h par semaine. Les 4 jours de cours sont mobiles dans la semaine de préférence afin qu'il y ait toujours une présence suffisante (au moins 25% des effectifs) du lundi au samedi. Seul le dimanche est repos hebdo obligatoire (concession selon moi aux habitudes). Le but du roulement sur 6 (ou 7) jours de la semaine est d'éviter les pointes dans l'utilisation des transports, de permettre à chacun d'accèder aux magasins, et aux administrations dans les heures ouvrables.

4) Diminuer le coût de la formation
Dans la mesure ou chaque élève participe à l'effort de formation de ses camarades, il y a une sorte de démultiplication de l'enseignement initial fourni par le professeur qui devient donc très efficace ... et peu cher ! La qualité de l'enseignement n'est pas diminuée par le principe 2), bien au contraire, il est probable que l'élève formateur se mette plus facilement au niveau de ses camarades.

C'était un peu long, je m'en excuse; mais je ne vois pas le moyen d'expliquer mon idée de 'réforme' en moins de mots.

Edité le:05/03/2019